L'EMAIL: SON HISTOIRE

(Extrait d'un livret issu des émmailleries Franck (ou plus exactement d'une fabrique de matériel destiné aux émailleries.) La fin du texte fait allusion à un industriel de Silésie : il s'agit du père de David Moll; puis lorsque l'auteur parle de l'émaillerie installée dans le faubourg de Charleroi (Gosselies), il s'agit de l'affaire de David Moll.


L'art de recouvrir les métaux par des émaux vitrifiés remonte aux temps anciens. De tous temps, des buts d'esthétique, d'ornementation et de protectionguidaient les hommes vers la recherche d'enduits solides, beaux et inaltérables.

L'histoire du développement de cet art, qui se transforma progressivement jusqu'à devenir l'émaillage industriel, demeure d'un intérêt considérable pour tout émailleur.

Des objets retrouvés, ayant résisté à l'outrage des ans et conservé toute leur beauté initiale, affirment la résistance des verres qui, après des siècles d'expériences, se transforment en nos émaux modernes.

Les Scythes qui vraissemblablement introduisirent cet art en Chine par les Indes, pratiquaient déjà l'émaillage. Puis les Egyptiens, les Phéniciens et les Assyriens maintinrent la tradition et devinrent maîtres en l'application des émaux en bijouterie. Les Grecs, en de nombreux points élèves des Egyptiens, possédaient de nombreuses connaissances relatives à la fabrication des verres colorés. Au 5ème siècle av. J.C., Democrite d'Abdère inventa l'art d'imiter l'émeraude. Le verre incolore, fort apprécié, est mentionné par l'histographe romain Pline, en même temps d'ailleurs que d'autres verres colorés, dont la teinte était obtenue avec les mêmes substances que celles dont nous nous servons aujurd'hui.

Déjà, entr'autres, le verre bleu était obtenu à l'aide de cobalt, le rouge par addition d'oxydule de cuivre et le vert au moyen de l'oxyde de ce même métal.

Au 13ème siècle, les Orientaux avaient acquis une grande habilité dans l'art de fabriquer des objets rehaussés par l'application d'émaux colorés. Les émailleurs de Djepour, de Lahore dans l'Inde Centrale, de Bénarès sont considérés comme les plus habiles; il est diffficile dans les autres pays de rivaliser avec ces villes pour l'émaillage de l'or, pour les tons rubis, vert émeraude, bleu saphir et ce, malgré toute notre technique moderne. Les vieux émailleurs français, au 16ème siècle, ont su cependant obtenir de belles teintes rouges, critère de leur valeur.

L'émail fut ensuite travaillé à Cologne. De Cologne, les secrets de métier sont apportés à Limoges où au début du 15ème siècle, furent développés les émaux champlevés et cloisonnés. Jusqu'au 17ème siècle, l'art d'émailler continua à se développer et certains orfèvres et artistes se rendirent célèbres par son application au domaine de la bijouterie, de la verrerie et surtout de l'orfèvre religieuse.

En angleterre,à partir du 18ème siècle, les émaux d'art connurent une certaine prospérité et particulièrement en 1750, lorsqu'un graveur du nom de S.F. Ravenet reproduisit des tableaux en émail, par la méthode du transfert au report. Ce fut l'origine de la miniature sur émail en toutes couleurs. La manufacture de Battersea, qui utilisa cette méthode, brûla en 1756; il y avait été produit 20.000 petits chefs d'oeuvre.

Vers cette époqueexistaient six classes différentes d'émaillage:

1.- Les émaux champlevés: émaillage d'une surface d'or, d'argent ou de cuivre travaillés en creux suivant un dessin. Les creux sont remplis d'émail et lorsque deux émaux figuraient dans un même creux, une fine séparation de métal subsistait afin d'empêcher les deux émaux de se mélanger à la fusion.

2.- Les émaux cloisonnés: dits anciennement de pique-ajour, méthode de l'école byzantine. Sur une surface d'or, d'argent ou de cuivre, les contours des motifs sont arrêtés par une cloison faite d'un fil plat recourbé à la pince suivant le dessin. Les cloisons délimitent ainsi autant de compartiments remplis d'émail en pâte avant la cuisson.

3.- Les émaux mixtes utilisent les deux procédés, les entailles faites au burin étant toujours guillochées avec soin pour donner prise à la matière et varier les effets de lumière.

4.- Les émaux translucides ou de basse taille ont leur origine et leur perfectionnement en Italie. Ils consistent en des émaux transparents appliqués sur un fond de métal préalablement ciselé, guilloché, repoussé ou gravé et presque toujours doré; le dessin était rehaussé par la variation des lumières obtenues par les creux, les bosses et les guillochures à travers l'émail.

Ce procédé contitue un premier jalon de l'émaillage tel que nous l'envisageons de nos jours; ildémontre que l'émail peut couler sur une pièce métallique et adhérer à sa surface sans cloisonnements ou cavités appropriés.

5.- Les métaux peints, dont le développement compte deux stades. Dans cette catégorie, la peinture est faite directement sur la surface du métal avec des pâtes qui prennent leur couleur et leur éclat par la cuisson. Le premier consiste à étendre sur le métal un émail de fond très foncé pour établir les ombres et de travailler ensuite avec des couleurs claires, souvent relevées par la dorure. Ensuite, second stade, le métal fut recouvert d'une couche de fond d'émail blanc et les couleurs furent appliquées à la brosse, produisant des effets similaires aux peintures ordinaires.

Cet art atteint sa perfection à Limoges aux 16ème et 17ème siècles.

Il existe encore un procédé où une feuille d'or mince est appliquée sur un champ d'émail préalablement fondu et y est soudée à chaud, puis travaillée au burin et enfin le tout cuit une dernière fois, figure un dessin à l'encre d'or sur fond coloré. Les émaux indiens de Pectabgolir sont obtenus par un procédé analogue.

6.- Les émaux de pique-ajour sont une combinaison des émaux cloisonnés et translucides. Les divisions sont obtenues par de minces bandes de métal, sans base métallique et ont ainsi l'apparence, lorsqu'on les présente à la lumière, de vitraux en miniature.

Ainsi dans l'antiquité, au moyen-âge et jusqu'au début du 19ème siècle, l'émaillage était uniquement employé à l'ornementation des objets d'art. Toutefois depuis une cinquantaine d'années et après maints déboires, l'émaillage est devenu une opération industrielle.

La tradition veut que ce fût la famille Bartelmes en Bohème qui, vers 1830, émailla industriellement les premiers ustensiles de ménage en fonte, leur donnant ainsi un fini intérieur semblable à celui de la porcelaine. En Silésie, un industriel et propriétaire foncier trouva également le moyen, vers 1817, d'émailler la fonte.

Notre pays, la Belgique, fût l'un des premiers où s'établit cette nouvelle industrie. Dès 1838, une firme s'installa au Faubourg de Charleroi où près de ce centre industriel, elle trouva à pied-d'oeuvre la houille nécessaire à la chauffe des fours et les fontes à émailler.

En 1841, cette firme était déjà en plein développement, la fabrication de fonte émaillée ayant dès son début connu un éclatant succès. A Gosselies, en 1852, s'instaura l'émaillage de la tôle emboutie et cette ville devint, les années suivantes, le centre d'une industrie prospère, dont l'importance est incontestable et dont le développement connut un grand succès.



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