L'Emaillerie Alsacienne Strasbourg - Hoenheim
*
Le 20 Juin l923, Monsieur Georges Weill, signa l'acte notarié pour l'achat et la création
d'une Société Anonyme l'Emaillerie Alsacienne d'une durée de 99 ans. Cet industriel
strasbourgeois venait d'acquérir une briquetterie qui s'était construite à Hoenheim en
1872. Il va la transformer en émaillerie.
L'activité de l'Emaillerie Alsacienne consistait en la fabrication et la
commercialisation de tous produits émaillés. Devant la recrudescence de la demande de
publicité en émail, l'Emaillerie Alsacienne devint en 1927 le plus gros producteur de
plaques de France. Cette main mise sur le marché était due d'une part à la très bonne
qualité d'émail et d'autre part au procédé d'impression par lithographie.
La concurrence perdit ainsi de nombreux clients. Les émailleurs tels ED. Jean,
Japy, Emaillerie Lyonnaise, ne purent rien faire face à l'emprise de l'EAS. Certaines de
ces émailleries ont même fermé leurs portes entre 1935 et 1939 faute de marchés.
La grande force de l'EAS résidait en son procédé d'impression lithographique.
Les clients aimaient sentir l'épaisseur de l'émail et comme beaucoup de concurrents
avaient abandonné le pochoir pour la sérigraphie, les plaques n'avaient plus de relief .
L'EAS n'adoptera le procédé de la sérigraphie qu'en 1951 et l'appellera Stencyl.
La famille Weill, propriétaire de l'émaillerie, d'origine Juive, sera évacuée en
l939, d'office, et repliera son siège à Dampierre-sur-Loire. Une grosse partie du
matériel sera évacuée vers la région parisienne par chemin de fer.
Dès leur arrivée en Alsace en 1940, les autorités allemandes mirent l'Emaillerie
Alsacienne sous séquestre. Le 30 juin 1941 l'usine, comportant les immeubles et les
installations, fut louée à la maison allemande de Bossert & Cie à Unterreichenbach
(Wurtemberg). Les marchandises en stock furent vendues pour 64.063,90RM.
L'usine continuera à fonctionner durant la guerre et prendra le nom de
"Elshssisches Emaillierwerk Eterna Email". Devant le manque de matière première
comme la tôle et l'émail, des produits de substitution furent utilisés: l'isorel et la
peinture par exemple. Quelques employés d'avant guerre gardèrent leur poste durant
toute l'occupation, mais le manque de personnel se faisant sentir on fut obligé
d'employer des prisonniers de guerre incarcérés à la prison Sainte-Marguerite de
Strasbourg.
La production fut essentiellement destinée à l'Allemagne et s'orientera au cours
les années 1943 vers une production de guerre pour la Wehrmacht (boites de mines,
éléments de refroidissement de torpilles etc...)
La famille Weill put reprendre possession de son bien en septembre 1945. I1 fallut
tout d'abord remettre en état le matériel, très abimé par la production sous l'occupation.
Les fours à émailler furent disloqués en 1940 par l'explosion du pont sur le canal de la
Marne au Rhin jouxtant l'émaillerie. Le 2 août 1946 l'Emaillerie Alsacienne perdit son
créateur Monsieur Georges Weill. Sa femme Suzanne Weill lui succèda et restera aux
commandes jusqu'au début des années 70 où elle passera le flambeau du conseil
d'administration à son frère Paul Weyl et aux enfants de ce dernier.
Après la guerre la société ne put vivre uniquement de la publicité. L'émaillage à
façons (émaillage de cuisinières) représenta une grande partie de son activité. Et, petit à
petit, la publicité reprit le dessus. Mais la fabrication au pochoir et en impression
lithographique devinrent trop chères. L'EAS s'orienta donc vers la sérigraphie ce qui
réduisit considérablement les coûts de production mais ne permit plus les belles
reproductions d'avant guerre. L'arrivée de la sérigraphie fit apparaître un nouveau
marché: celui de la "Tolaque" c'est à dire des tôles peintes cuites au four. Moins
résistantes que la plaque émaillée, ces tôles eurent leur heure de gloire dans les années 50
mais ne purent détrôner la plaque émaillée.
Durant ces mêmes années on constata un développement dans le secteur de
l'architecture, illustré notamment par l'achat aux Etats-Unis d'un brevet de panneau
sandwich. L'Emaillerie Alsacienne offrit aussi dans sa palette des panneaux de façade
pour décoration des devantures de magasins.
La publicité ne perdit néanmoins pas sa place dans les productions de l'EAS,
mais dut faire face à une forte concurrence lors de l'ouverture de l'émaillerie Art France
à Luynes et à celle des émailleries belges. C'est la taxation de la réclame par l'Etat au
début des années 60 qui fera chuter la production publicitaire de l'EAS.
Les plaques publicitaires en émail et Tolaque furent fabriquées jusqu'après les
années 1975. C'est au cours du changement de direction, au début des années 70, que la
production s'intensifia dans les panneaux de façade.
En 1992, suite à des problèmes de productions et à la chute du marché du
bâtiment la société est mise en liquidation judiciaire. Le fonds de commerce et les outils
de production furent vendus à la société Wehr, laquelle construira quelques années
après, une nouvelle unité de production, à côté de Molsheim, tout en conservant le nom :
Emaillerie Alsacienne.
L'Emaillerie Alsacienne de Hoenheim finit ses jours dans des mains non
respectueuses de son passé industriel et culturel et fut détruite petit à petit par des actes
de vandalisme (voir visite).
Au cours de son passé glorieux l'EAS ne fut pas seulement une émaillerie, une
industrie, mais un nid de création artistique publicitaire. Malgré sa destruction,
aujourd'hui, rôde dans ses murs le fantôme de ces ouvriers qui travaillaient dans la
chaleur des fours, dans la poussière de l'émail, dans le bruit des presses à former les
tôles. L'histoire restera gravée dans ces murs, dans ces carreaux cassés et rien ne pourra
faire oublier les belles années de l'Emaillerie Alsacienne Strasbourg-Hoenheim.
C'est la mémoire de ces gens, qui pendant des décennies ont coloré les murs de nos
villes et de nos campagnes, par leur travail et leur créativité qui a été exposée à travers
des productions, des photos, des documents écrits, du 6 au 30 avril 1999 à la Mairie de
Hoenheim (voir l'exposition).
Pierre MEYER
* Avec l'aimable autorisation de l'Emaillerie Alsacienne Duttlenheim propriétaire du nom.
Quelques Dates
1923: Achat par Monsieur Gorges Weill de la briquetterie située au 82 rue de la
République à Hoenheim.
22 juin 1923: Création de la Société Anonyme Emaillerie Alsacienne Hoenheim-Strasbourg.
1925: Inscrisption au Registre de Commerce de Strasbourg sous le No B.110.
1926: Les premières plaques publicitaires sortent des fours de l'EAS.
1937: Production mensuelle de 50 tonnes de plaques émaillées.
31 Août 1939: Mise sous séquestre et départ de la Famille Weill vers Dompiere sur Loire.
1939: Evacuation de certaines matières premières et produits finis vers Paris
Evacuation des archives vers Saumur et destructions de ceux-ci.
30 juin 1941: L'EAS est louée par les autoritées Allemandes à la maison Bossert & Cie.
Juin 1945: Retour de la famille Weill.
Sept.l945: Reprise de la production.
1945 - 1948: La production de plaques supérieures à un demi mètre carré est interdite.
2 août 1946: Décès de Monsieur Goerges Weill : son épouse Suzanne prend la direction de
l'entreprise.
1947: L'EAS récupère une partie de sa comptabilité évacuée en 1939.
1951: Début de la sérigraphie.
1953: Première fabrication en Tolaque.
1958: Première fabrication des panneaux sandwich.
1960: Construction d'un nouveau four.
1969: Démission de Monsieur Grundberg vu son grand âge.
Agent Général, Patron de la S.P.A.P. et actionnaire de l'EAS.
1972: Changement du logo.
1973: Départ de Madame Weill qui est remplacée par son frère Monsieur Weyl.
1972 - 1992: Fabrication de panneaux de façades ( Parlement Européen, Palais Omnisport de
Bercy...).
1992: Fin de l'Emaillerie Alsacienne et rachat par le groupe Wehr.
1996: Le site de Hoenheim est abandonné aux mains des squatters et vandales.
Retour au menu 'Expo E.A.S.'